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Habiba

Et si le « je » n’existait pas ? Et si tout était une fiction ?

S’élever au-delà de la petite (ou grande) histoire qu’on se raconte, changer d’échelle, dézoomer, prendre du recul, de la hauteur sur soi


À quoi peut-il servir de pratiquer ce changement d’angle ? À plein de choses, mais la plus importante, à mon sens, est celle de la prise de conscience.

Prendre conscience de quoi ? Ou plutôt de qui ?!


En effet, il arrive (ou pas) un moment, dans une vie matérielle terrestre et humaine, où les certitudes quant à l’organisation de la réalité environnante nous échappent… Cela peut se passer différemment selon chacun, compte tenu du rapport qu’on entretient avec le concept d'identité, de réalité, mais aussi de vérité.


Afin de mettre de côté (pour l’instant), la question de la vérité, que j’aime parfois appeler Aletheïa, mais qui n’a pas strictement le même sens (que le mot « vérité »), je pose ici une définition valable de ce terme tout le long de cet article, et certainement de ma littérature…


Ainsi, « vérité » est d’origine latine, elle-même d’origine indo-européenne. En effet, lorsque j’enquête sur l’essence d’un mot, bien souvent la parentalité gréco-latine ou d’un degré ascendant simple me suffit. Seulement, il y a plusieurs mots pour lesquels la racine indo-européenne (en l’occurrence), nous instruit plus encore que la version normée « classique ». C’est exactement le cas pour le mot « vérité », en effet, le mot vérité, et non le concept qu’il représente, est d’origine latine et donc n’a rien à voir avec l’aletheïa grecque, d’un point de vue formel (mais pas seulement!). La définition du latin verus, ne nous apporte rien de plus que celle identique du descendant français. Cependant, la racine indo-européenne précédant la version latine du mot vérité, est, ma foi, des plus intéressantes et révélatrices de beaucoup de choses, permettant notamment de comprendre une part non négligeable des conflits de ce monde


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« Rien que ça » me direz-vous ?


Moi qui voulais être brève sur la notion de vérité ici et sur le choix de vocabulaire que j’avais fait, me voilà partie pour une belle digression, qui mériterait à elle seule tout un article, mais, je fais tout de même le choix de conserver cette incise dans cet article-ci.


En effet, rien que cela, car lorsqu’on s’intéresse à la racine indo-européenne u̯erǝ- qui est à l’origine du verus (réel) et donc veritas (qui a donné « vérité »), un sens, implicitement compris dans la notion de vérité, y est exprimé de manière visible. Il s’agit des notions de réalité (on y reviendra plus tard) et de confiance / amitié… Cela peut paraître étrange, et c’est par le truchement d’un datif et par l’étude des dérivés de cette racine dans les langues germaniques, qu’on peut comprendre, que par essence, la vérité est ce pour quoi on a de l’amitié, ou plutôt, de manière plus précise, ce qui nous aime, qui nous veut du bien, et donc en quoi on a confiance, qui est digne de confiance (et ce mot « confiance » semble inhérent à la notion de vérité étudiée ici), parfaitement visible dans l’anglais trust (confiance) et truth (vérité) et l’allemand Vertraut (faire confiance et savoir) …


C’est en cela qu’à mon sens, il y a une véritable opposition entre veritas et ἀλήθεια.Bien que les deux désignent, ou signifient en français commun moderne « la vérité », dans leur essence, des oppositions fondamentales et structurelles se dessinent. Déjà la notion de « réalité » est absente du concept d’ἀλήθεια a priori, mais totalement intégrée à celui de veritas, ceci nous permettant d’émettre l’hypothèse que la vérité se mesure dans le monde matériel (« réalité » vient du latin res, rei : chose matérielle), tandis que l’ἀλήθεια relèverait plutôt à la sphère immatérielle, probablement spirituelle, (et donc à terme, potentiellement génératrice, à volonté, de matière).


Afin de ne pas trop m’éloigner de l’objet premier de ce billet philologico-philosophique, je vais écourter cette incise sur la distinction entre vérité et alètheïa, le détail pourra probablement être trouvé dans un autre article.


Ainsi, je considère, en me référant aux étymologies, aux origines et sens de « vérité » et alètheïa, que la première est subjective et la seconde objective.


Oui, cela donne clairement un effet de raccourci, mais je vous assure que la démonstration de cette résolution est bien trop longue et n’a pas sa place ici, prenons cette affirmation comme postulat.


Pour ne pas perturber la compréhension de mon propos, tout en refusant l’amalgame coûteux que peut représenter la mésusage de « vérité » en lieu et place d’alètheïa, et ne voulant introduire ici un terme de la langue française que je considère - pour le moment - comme le bon héritier de ce mot grec, quoique paradoxal. Je fais le choix de conserver les mots « vérité » (au sens de veritas) et « alètheïa » pour ce qu’ils signifient strictement.


Nous voici ainsi de retour au cœur du sujet qui nous occupe présentement, à savoir, la double-question : « Et si le « je » n’existait pas ? Et si tout était une fiction ? »


De la définition avant toute chose !

Les notions clés de ces deux interrogations, qui pour moi s’avèrent avoir une seule et même réponse (d’où le fait que je les associe volontiers au singulier de la double-question), sont

« je », « exister » et « fiction ».


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Commençons par le nom « fiction », son origine indo-européenne *dheigh évoque la construction, le façonnage de manière générale et plus factuellement, le pétrissage de la glaise, manuellement.

On retient donc de cela, la notion de fabrication par un être physique animé (en l’occurrence, l’humain) d’un objet de ses propres mains, à partir d’un matériau brut.


L’étymologie latine qui s’ensuit fingō 1 trouve son origine dans le terme fingar qui signifie "doigt", mais également "feindre", dans le sens de faire semblant.


fingō signifie, quant à lui en latin "façonner", à de différents degrés ; matériellement comme pétrir, sculpter, bâtir, etc., de manière immatérielle, comme former, instruire (des esprits, des intellects par exemple), ou encore façonner dans le sens d'édifier/échafauder quelque chose dans son propre esprit (préparer, imaginer, forger…) ; il signifie aussi "faire" dans le sens de transformer quelque chose (d'un état à un autre), "toucher", mais également, et ce sont ces sens-là qui nous intéressent tout particulièrement, "imaginer" et "contrefaire".

À cela j'ajoute la signification de fingo en Ido (langue à visée universelle dérivée de l'esperanto), dans cette langue il désigne la "dissimulation".


Le mot "fiction" dans la forme que nous lui connaissons découle indirectement du participe passé de fingō et désigne donc ce qui est (tout ce qui a été précisé dans le paragraphe précédent, à savoir) façonné, fait, feint, imaginé, contrefait... De manière plus directe enfin, "fiction" peut être la version française de la fictio latine qui signifie l'action de façonner, donc la façon (et là je vous indique brièvement le lien direct avec le mot anglais fashion, qui a pour équivalent "la mode" en français), formation et création. Au sens figuré, le Gaffiot nous indique que fictio signifie action de feindre, supposition, hypothèse et finalement fiction ! Ce à quoi j'ajoute la dernière entrée de ce même dictionnaire qui donne une entrée juridique ("droit" dans le texte) du terme fictio, à savoir littéralement la "fiction légale" avec pour référence le Digesta Justiniani Augusti parmi les écrits du jurisconsulte Julius Paulus (sujet dont j'apprécie tout particulièrement l'étude, qui ne sera pas plus approfondi ici, mais qu'il faut tout de même garder à l'esprit dans la démonstration présente).


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Penchons-nous maintenant sur le verbe "exister". On commencera par la version latine de ce verbe, en étudiant la construction d’existō, plus souvent et justement orthographié exsistō.


Celui-ci se divise en deux parties : le préfixe ex- et la racine latine sistere. En effet, ex- de l’indo-européen *eĝhs, « hors de » peut prendre diverses significations, en fonction du radical qu’il précède, on retiendra pour l’instant surtout les notions de sortie, d’extraction, d’origine et de conséquence.


Sisto vient lui-même de la racine sto, stare qu’on retrouve à l’identique dans l’anglais to stare, dérive du grec ἵστημι et de l’indo-européen *steh₂- qui signifie être debout. Il est intéressant de porter son attention sur les différents sens du latin sto pour notre démonstration. De se tenir debout, immobile, le sens évolue vers la notion de fermeté ou d’incapacité, ainsi il peut signifier être frappé d’immobilité, ou résolument ancré, puis persévérer, séjourner, jusque par extension, finalement être !


Ainsi, existō (exsistō), signifie : sortir de, s’élever de, se dresser de / vers qch. Un second sens, découlant du premier serait se manifester, se monter.

Quant à la définition retenue en langue française, j’ai comme l’impression qu’elle se sera forgée sur une extension du sens de sto, qui parfois peut signifier "être".


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Enfin, qu’est ce que « je » ? Ce pronom (très) personnel de deux lettres est à la source et la résolution de toutes les divagations et, de ce fait, autorise tous les délires identitaires. Levons un peu plus le voile sur ce qu’il signifie concrètement, ou plutôt son essence.


Pour faire simple, je ne m’élancerai pas ici dans la généalogie indo-européenne du pronom ἐγώ, mais rappellerai simplement que le « je » français est un dérivé et une forme fixée de l’ancien français qui a introduit, suite au latin vulgaire eo et classique ego, le « j » tel qu’on le prononce normalement. Ainsi, le pronom personnel singulier de première personne tel qu’on le connaît en langue française est une transcription du latin, lui-même copie exacte du nominatif grec ἐγώ.


Quant à « moi », il est issu de la déclinaison d’ego en latin au cas accusatif et du datif grec (encore plus visible) ἐμοί, μοί. Cela nous indique que « moi » est la version objectivée du « je ». Philosophiquement, mais également psychologiquement, la substantivisation de « moi », devenant ainsi « le moi » participe totalement de la démarche que je me propose dans cet article, ainsi que dans ma vie ! En français, c’est au XVIIe siècle que Pascal dans ses Pensées en a fait un magnifique objet connu d’étude, mais je vous rassure, bien avant (et après) lui, d’autres ont réalisé cette introspection objectivée.


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Bien que je ne l’ai pas cité en annonce de plan de ce billet, je me propose l’étude d’un homophone, fort utile pour l’expérience présente. Il s’agit du « jeu ».

Je ne pense pas que ce soit le fruit du hasard que « je » et « jeu » soient des homophones (quasi) parfaits et qu’il faille bien souvent, à l’oral préciser l’orthographe du \ʒə\ou \ʒø\(écriture phonétique du son « je » puis « jeu », je reconnais ne pas avoir les compétences nécessaires en phonétique pour distinguer les deux phonèmes apparemment distincts symbolisés en français par « e » et par « eu »).


Ainsi, le mot jeu vient du latin jocus qui désigne une plaisanterie, un badinage, son origine indo-européenne *jek (« dire »), nous confirme qu’à la différence de ludus (qui a donné l’adjectif « ludique »), le "jeu" a une dimension orale, liée à ce qui est dit. Ludus quant à lui signifie le jeu, mais en actes, dans l’action. En français courant, on dirait que le jeu, c’est la blague, ce que l’on dit pour plaisanter, sans sérieux et avec légèreté.

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Toujours en guise de définition essentielle, j’ajouterai à la notion de « fiction », étudiée plus tôt, et celle de « réalité » (que je définis par « ce qui est matériellement, sensiblement, et donc subjectivement connu »), brièvement explicitée, l’étymologie du verbe imaginer.


L’enquête sur ce terme a mené à un résultat plutôt surprenant et le lecteur comprendra aisément pourquoi j’associe l’imaginaire à la fiction, même si c’est une association qui semble naturelle. Ce qui est paradoxal dans l’acceptation de ces trois termes (réalité, fiction et imaginaire), c’est qu’ils sont bien plus proches qu’opposés. On aurait tendance à opposer la réalité à la fiction ou à l’imaginaire, or, grâce à l’étude étymologique et généalogique de ces termes, on constate qu’il n’en est rien, de là, à mon sens, découle vraiment nombre de conflits, et d’incompréhensions, puisque je considère qu’il est très violent d’imposer ou de s’imposer une opposition stricte entre deux choses supposément opposées et surtout inciter à préférer l’objectivité, à tort appropriée à la réalité, contre l’imaginaire et la fiction, subjectifs et reconnus comme tel par la doxa.


D’où mon amour inconditionnel pour le para-doxe ! Je développerai ailleurs cette notion si chère à mon cœur ! Pour l’heure il est utile de savoir que l’origine indo-européenne d’« imaginer » et de « fiction » est la même, celle de façonner, faire, fabriquer, créer en acte ou en pensée quelque chose (de matériel, les pensées ne sont pas spirituelles, elles sont du domaine physique, même si pas palpables concrètement).


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En guise de complément et afin de clôturer (pour le moment) la notion de perception de notre environnement à travers le prisme de notre subjectivité, j’ajouterai l’étymologie de « rêver ». Le rêve a progressivement pris la place du songe dans le langage courant. Ainsi ce dernier désignait l’activité et le résultat de la pensée durant le sommeil (songe est un dérivé de sommeil). Le rêve quant à lui, au sens propre a plusieurs sens, dont quelques-uns retiendront notre attention ici : « délirer », « radoter », « errer », « avoir des pensées vagues, « désirer », « induire en erreur »…

Une précision quant à la notion de délire, aujourd’hui attribuée à tout ce qui n’est pas « normal », donc normé, accepté et reconnu par la doxa. À l’origine c’était de même, mais plutôt d'un point de vue physique, puisque delirare signifie "sortir du sillon", ne pas emprunter les chemins courants.


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Ainsi, maintenant il est possible de répondre à la question qui nous intéresse tout particulièrement ici, à savoir : « Et si « je » n’existait pas ? Et si tout était une fiction ? »


Cette question m’est souvent venue, surtout dans des phases, qu’on nomme en psychiatrie : « dépersonnalisation, déréalisation » et surtout « dissociation »2. En effet, j’ai, pendant (bien) plus d’une quinzaine d’années, expérimenté ces états psychiques très particuliers, qui peuvent vous mener, soit à la folie, soit à l’expansion de conscience et l’illumination… Il semblerait que j’aie choisi la première option pour arriver à la seconde, je me console avec la phrase : « Folie aux yeux des hommes est sagesse aux yeux de Dieu » , cela n’est certainement pas le fruit du hasard, mais bien d’un choix de mon « je », ou plutôt de mon égo / moi, qui a suivi le plan divin pour que l’expérience que je vivais alors (quand bien même était-elle très douloureuse), était prévue (mektoub), pour me faire évoluer. Cette évolution, aujourd’hui je la nomme, et c’est d’ailleurs dès lors, plus facile d’accepter les expériences, qu’elles soient agréables ou non, j’ai choisi de (me) dire que je suis ici, sur Terre, incarnée par ce corps et ces pensées afin de devenir celle que j’étais avant d’être celle que je crois être, et ainsi, rendre possible la découverte et la compréhension de celle que je suis, in fine, de manière éternelle et de là, connaître l’ataraxie, et que mon âme comme-une par essence, ne fasse plus l’expérience de la séparation provoquée (à mon sens, au moment où j’écris), par l’incarnation, la transition matérielle…


Honnêtement je ne sais pas si beaucoup se posent la question de l’existence du « je », mais elle a été cruciale pour moi dès lors qu’il s’est passé de nombreux jours et moment dans mon existence consciente et incarnée, où certaines expériences, facilement attribuées au phénomène de dépersonnalisation notamment, m’ont été données à vivre, je pense notamment à l’impossibilité de me voir dans un miroir… Ou plutôt devrais-je écrire, qu’il m’était impossible de voir mon reflet dans le miroir pendant parfois de longs mois, des années, ou de manière plus ponctuelle, un jour par ci ou là. Les seuls autres individus avec qui je pouvais partager cette expérience, et qui l'avaient eux-mêmes vécue, c’était avec d’autres résidents d’institutions psychiatriques où j’ai passé du temps et où la société des atypiques, m’a permis de prendre conscience que je n’étais pas seule dans mon délire, ou tout du moins, que je n’étais pas seule à avoir ce type d’expérience difficilement explicable.


Je peux vous assurer que lorsque vous ne voyez pas votre reflet dans le miroir, que votre besoin de tout comprendre pour autant, et que les propositions d’explications déclarées comme rationnelles, ne vous conviennent pas, vous commencez à échafauder (façonner !) des hypothèses, dont celle de l’existence de ce que les sens perçoivent.

Après toutes ces années d’expérimentation et d’étude de la folie, de la psychiatrie, de la psychologie, j’ai su clairement définir les concepts qui se cachent derrière les mots

« émotions », « sensations » et « sentiments » d’une part et « idées » et « pensées » d’autre part. Ayant toujours beaucoup de difficulté (Dieu merci) à donner mon accord à des normes et des définitions officielles, scepticisme oblige, j’en suis venue à sérieusement me questionner et à me dire qu’il est fort probable que « je n’existe pas » et que « tout est une fiction »…


Cependant, ce postulat n’était pas assez solide pour que je me repose dessus et le considère pour acquis, j’ai donc, par synchronicité, pu trouver une preuve (à mon sens, et c’est bien ça le plus important, car loin de moi l’objectif de convaincre qui que ce soit, je me contente d’écrire ce qui me plaît, n’en déplaise à quiconque !) irréfutable, et ce, dans l’étude de la physique que l’on nomme aujourd’hui quantique. En effet, ayant pleinement conscience de n’avoir aucune (vraiment) notion du temps, ou plutôt de la temporalité (tout comme des distances, ou de l’argent !), j’ai tenté de comprendre ce qu’était le temps. Vaste programme, ou pas, car finalement, j’ai compris qu’il n’existe pas, car il était une fiction, et que la notion d’horaire, tout comme de distance, ou d’argent était codifiée, normée par des conventions et que c’était bien la preuve de leur immatérialité première. Plus tard, au lieu de dire que « le temps n’existe pas », qui prenait souvent une forme de provocation dans ma bouche, je dirai plus volontiers, et de manière toujours actuelle, que « seul le présent existe », en ajoutant que « c’est un merveilleux cadeau » d’ailleurs cadeau ! (cadeau = présent)


J’ai donc expérimenté la réponse affirmative à l’interrogation dont il est question ici. "Je" n’a pas existé dans ma réalité, j’ai ainsi pour cela pu comprendre que tout était une fiction. Or ce n’est pas exactement de cela dont je veux parler ici… Certes, « je » n’existe pas et tout est une fiction, et alors ? Cela donne lieu à plusieurs possibilités de positionnement mental dans sa propre réalité dont nous sommes seuls créateurs. J’ai pu expérimenter plusieurs attitudes découlant de cette compréhension de ce qui m’entoure. D’abord ce fût la souffrance, la douleur qui ont mené la danse de l’idée que je me faisais de mon « je », le personnage que je m’étais créé dans la fiction que j’avais échafaudée, était un personnage plein de souvenirs, doté d’une mémoire précise du passé et d’une projection intellectuelle d’un futur peu reluisant, ainsi ce « je »-là expérimentait une existence de troubles en tous genres. Le jeu dans lequel il évoluait était d’une violence et d’une noirceur dont lui seul était responsable, et c’est lorsqu’il en a pris conscience qu’il a décidé d’abord de quitter le jeu, car, il avait oublié que sa propre pensée était génératrice d’une multitude incalculable de fictions. Puis, il a tenté d’en créer de plus plaisantes, mais en oubliant que seule une pensée ex nihilo sans aucune influence inconsciente, pouvait totalement s’extraire des constructions et manifestations matérielles qu’il réfute.


Enfin, « je est un autre », avec lequel mon moi tente de cohabiter, cet alter ego dont il est question peut être notre meilleur allié ou notre pire ennemi. Beaucoup l’appellent simplement « l’ego » en le fustigeant de tous les maux, en lui faisant référence dès qu’il s’agit de dénoncer un comportement de type orgueilleux… Or moi, je ne veux pas lâcher l’ego, il est la version mentale de mon véhicule corporel, les deux sont des objets matériels que l’âme utilise pour cheminer. J’ai tendance à lui préférer la dénomination de « faux self », mais sans la notion nécessairement négative qu’on associe volontiers à ce terme. S’il nous fait du mal parfois, notre faux self le fait seulement parce que son rôle premier est de nous protéger. Or, à mon sens la protection n’est pas le meilleur outil pour progresser sur le Chemin, au contraire, des parents trop protecteurs avec leurs enfants finissent bien souvent par les mettre dans des prisons dorées et à les empêcher d’être ce qu’ils sont.


La vérité a un coût et l’Alètheïa encore plus, celui du total lâcher-prise, et de l’abandon de ce qui nous protège et donc nous empêche. Donc, puisque « je » n’existe pas et puisque tout est une fiction, chacun est libre de décider ce qu’il souhaite : être à l’abri (de qui, de quoi?), en sécurité, se guérir (et donc se remémorer les blessures d’un passé qui n’est déjà plus), suivre ce que le « je » propose comme stratégie pour gagner (ou perdre) le « jeu » terrestre qu’il s’est inventé (en s’inspirant bien souvent des égrégores de pensées qui ont, à force d’individualités additionnées, pu se matérialiser et donc être visibles de beaucoup), ou bien d’avancer, enquêter, chercher à comprendre ce qu’il est venu faire ici et maintenant dans ces conditions présentes, ou alors… il peut, simplement laisser faire les choses et être dans la totale contemplation (qui ne signifie pas nécessairement inaction).


Puisque je donne de nombreuses informations personnelles (car je ne m’exprime qu’à travers mon prisme sensible et subjectif par essence), et comme j’aime revenir a posteriori sur mes écrits afin d’estimer mon évolution sur le Chemin, je dirais que pour ma part, au moment où je rédige cet article, j’oscille entre d’une part : « jouer » le « jeu » en conscience avec un « je » conscientisé, fait d’une attention à chaque instant ramenée à l’instant présent, et d’autre part : vouloir quitter totalement le « jeu » en ayant crainte de son absence et donc du vide, tout en acceptant par moment l’entière contemplation et simplement laisser la vie être.


Que la Paix soit sur vous,


Habiba

Notes de bas de page :


1: Les verbes latins sont cités généralement exclusivement à la forme conjuguée au présent de l'indicatif, à la première personne du singulier.


2: Sans y voir une pathologie de type schizophrénie, le lecteur aura tout intérêt à se pencher sur la notion "d'insociable sociabilité", véritable paradoxe inhérent à l'état d'être humain.

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