Que la paix soit sur vous lecteur,
Longtemps j’ai voulu croire que j’étais quelqu’un, que je n’étais pas n’importe qui ; que pour exister il fallait que j’excelle ou faillisse, que de la norme humaine visible il me fallait m’éloigner, car l’humain pour moi rimait alors avec médiocrité, capable du meilleur comme du pire, mais manifestement avec une tendance au pire qui me rendait allergique et intolérante à cette incarnation, dont je voulais le plus vite possible me débarrasser...
Je vivais jusqu’à il y a très peu de temps (et encore parfois) dans l’idée que toute souffrance venait de la séparation d’avec l’Un et que dès que je serai enfin ré-unie avec le Tout, la sainte Ataraxie serait enfin ma quotidienne compagne.
Je me trompais, et pour le comprendre, comme pour beaucoup de choses, c’est par l’overdose que ça s’est passé. Tant que je n’avais pas été suffisamment malade et souffrante de cette manière de penser et d’envisager le monde, l’existence, ou plutôt mon existence - car de quoi d’autre que de moi suis-je réellement habilitée à commenter - je devais expérimenter à nouveau la souffrance à laquelle menait cette quête, cette recherche du bonheur, de l’ataraxie, de la pureté, du divin.
Oui, chercher à atteindre le bonheur, le bien-être, tendre toujours plus, par l’entraînement, l’exercice du corps et de l’esprit, vers l’ataraxie, voilà mon erreur majeure ces trente dernières années.
Chercher quelque chose c’est supposer qu’il n’est pas là. Enquêter sur quelque chose, c’est présumer de l’intérêt et du gain quant à sa trouvaille, et ainsi pendant tout le temps du Chemin que l’on parcourt, pendant tout le temps et l’énergie (temps-énergie) que l’on con-sacre à cette recherche et cette quête, on ne vit pas, on n’est pas.
J’ai ouvert la boîte de Pandore très jeune, j’entends par là que j’ai eu connaissance d’une autre vie, d’un autre monde, de quiétude, de bien-être, d’ataraxie totale dès l’enfance, avant même l’entrée dans l’adolescence. Dans cette boîte de Pandore, cela avait débuté par la magie (l’âme-agit), la divination, la littérature, l’onirologie, les voyages astraux, la transe, l’activité physique intense ; puis l’application et la lettre philosophiques, l’étude approfondie des sagesses asiatiques, les arts martiaux, le stoïcisme, le nihilisme, l’éternalisme, toutes sortes d’empirisme, l’art poétique, le Spleen, l’idéalisme, l’intolérance, la colère, l’empathie, l’extrémisme, l’indifférence.
Cette boîte, jeune adulte j’ai continuer d’y creuser mon trou (pour ne pas dire ma tombe ! ), avec ce qu’on nomme le « développement personnel », ou encore vibratoire et spirituel, tous n’étant qu’une seule et même chose, qu’il serait, dans mon cas plus judicieux de nommer développement et perfectionnement spirituel et physique, car c’était bien de cela dont il s’agissait : « devenir une meilleure version de moi-même », « sortir de ma zone de confort », dans un premier temps pour progressivement et plus subtilement viser : « devenir celle que je suis », « vivre ma vie », « être l’architecte de mon existence », et le tout saupoudré d’un peu de religion : « devenir une sainte personne », « entrer dans le royaume de Dieu », « devenir pure et digne de Dieu »...
La-men-ta-ble et exaspérant !
Je ne sais pas si j’ai refermé cette boîte, je sais que le corollaire nécessaire à toutes ces expériences dites positives, était que je ne pouvais échapper au principe de polarité. Ainsi, pour chaque trouvaille qui m’élevait (car dans l’état d’esprit qui me guidait jusqu’alors, seules la réussite et l’élévation comptaient. Certes, j’avais - en apparence - cessé d’être en compétition, contre autrui à l’extérieur, mais menais une guerre intérieure sans merci contre moi-même, cet « autre » autrui), j’expérimentais l’autre face de la pièce qui m’enfonçait d’autant que la pratique positive m’avait élevée.
C’est ainsi que j’ai fais l’expérience de moments de joies immenses, intenses, de tranquillité de l’esprit, de bien-être du corps, tout comme de profonds états de mal-être, des pensées et des actes suicidaires, des angoisses, des maladies. Le diagnostic de trouble de l’humeur, l’état psychiatrique maniaco-dépressif, que l’on nomme aujourd’hui plutôt bipolarité était (pour ne pas dire « est ») sans nul doute, le plus juste en ce qui concerne mon fonctionnement, ou plutôt le fonctionnement de mon / mes personnages. Avant je le vivais comme une maladie et un handicap, ensuite j’ai décidé de le vivre comme une chance et un atout, aujourd’hui... je m’en fiche et n’y accorde plus d’importance, car cela ne me définit pas et n’est pas moi.
J’ai envie d’illustrer toute cette vie passée à chercher la réussite, l’amélioration, la performance, la reconnaissance, les respect et amour, par l’histoire d’Icare. Je crois pouvoir dire que je pensais m’être brûlée les ailes plus d’une fois, que comme un personnage de jeu vidéo, j’avais plusieurs vies, que Dieu m’avait accordé un nombre (semble-t-il) illimité de vies pour recommencer jusqu’à temps que je comprenne qu’à trop m’approcher du Soleil, mes ailes allaient fondre, que je ne pourrai que chuter et n’aurai finalement rien à envier à Sisyphe avec son rocher, dont je me moquais allègrement, seulement parce que je pouvais voler et pas lui... c’était bien plus trompeur, car pendant que Sisyphe a durement conscience de son état, je me mentais quant au mien.
Même si j’avais déjà été sensibilisée à la notion du vide, de l’impermanence, du présent souverain. Même si mes lectures et mon application de celles-ci, quant aux notions de l’infiniment petit, grand, du temps, d’Heraclite, Lucrèce, Pytagore, Socrate, Saint Augustin, Einstein, en passant par le bouddhisme, l’hindouisme, le soufisme et le taoïsme, j’avais cette peur typiquement occidentale (à mon avis) du vide, de l’absence, du néant... tout en étant attirée et fascinée par ce qu’ils revêtent réellement (peut-être par curiosité et soif de connaissance, ou bien par magnétisme de polarité).
Or, grâce à une expérience physique très récente et prosaïque en apparence, catalytique d’une réaction intellectuelle dont l’impact spirituel, et donc à nouveau physique (l’esprit crée la matière), ne se fera pas longtemps attendre : j’ai enfin pu expérimenter et comprendre la notion de la vacuité !
Ce concept qui, en langue française perd déjà de sa perfection quand on l’entend par le Śūnyatā sanskrit. Il ne définit pas exactement ce qu’on entend par « vacuité » ou par « vide ». Pour faire simple (donc réducteur, une fois n’est pas coutume), c’est le fait que rien n’a une existence / essence (la distinction conceptuelle entre ces deux termes est de taille mais ne sera pas abordée ici), propre absolue, mais que tout est interconnecté et donc interdépendant, c’est cela qu’on a préféré appeler la « vacuité », en tentant de traduire Śūnyatā.
En effet, l’exemple de la décision au niveau de l’individu humain est le résultat de tout un réseau neuronal complexe, et grâce aux neurosciences, on se rend bien compte qu’il y a une décision qui est prise mais qu’il n’y a pas de décideur en chef.
D’un point de vue organisationnel, cela se rapproche de l’anarchie, voire plutôt de la stigmergie. Mais de cela il sera question ailleurs.
Ainsi, ma découverte empirique de cette vacuité, à la fois interne et externe, la compréhension que tout est dépourvu d’essence propre indépendante, mais aussi que la seule chose permanente c’est l’impermanence, tout cela m’apporte (dans l’expérience, car j’avais beau intellectualiser la chose, tant que je ne la vivais pas, elle était source d’angoisse et de questionnements sans fin) paradoxalement un véritable, profond état de quiétude intellectuelle, voire la décroissance de l’activité cérébrale, en cela, un véritable lâcher prise, et donc la paix et la tranquillité.
Qu’il est bon de se dire et de « s’avoir » au plus profond de soi, d’être convaincue que même si je n’agis pas, le tout auquel j’appartiens s’occupe de tout. Qu’il est tendre et rassurant, une fois la barrière de l’orgueil (péniblement, ponctuellement, mais assurément) tombée, d’être pleinement consciente que je n’ai pas d’essence propre et que mon idiosyncrasie, si chère à mon ego et mes personnages, n’est qu’une vue de l’intellect, de ce mental toujours insatisfait, de ce faux self qui veut faire croire que c’est dans la douleur que la vie se réalise... Quel soulagement de ne plus avoir à sortir ou entrer dans la norme, dans la masse, à ne plus justifier aucune de mes actions ni pensées, car elles ne sont qu’une invention. Avoir compris que rien n’a d’essence propre fait que ma petite (ou grande, selon mon taux d’estime égotique orgueilleux) existence n’a pas d’essence propre, dont je serais en charge. Je suis simplement interconnectée, fatalement liée au Tout, à tout ce qui m’entoure et me constitue, c’est là que je remercie la linguistique et l’étymologie du nom « humain », qui signifie issu de la Terre.
Cette conscience des choses, est fondamentalement pacifique, elle regroupe tout ce en quoi j’accordais mes croyances auparavant, mais sans en avoir de preuve manifeste : elle est bienveillante, écologique et salvatrice. En effet une fois le Śūnyatā compris, on ne peut plus souhaiter ni faire le mal ou le bien, à qui que ce soit ou quoique ce soit, sans connaître l’impact que ça aura sur soi et sur le reste (ce qui n’empêche en rien de faire ce fameux mal ou bien !), car contrairement aux belles paroles qui disent sensiblement la même chose, mais dont je n’expérimentais pas vraiment le propos, il semble désormais évident que tout résonne partout. Je comprends ainsi mieux l’impact de mes pensées, de celles des autres, idem pour les actes... Cela n’est pour autant - et c’est important de le préciser - ni une invitation, une injonction ou une incitation à ne faire que le bien pour ne pas souffrir et ne pas faire de mal... Rappelons-nous que le Bien n’existe qu’en vertu du Mal (vice versa).
Tout argumentation et argumentaire est vain dans ce (nouveau, pour moi) monde. N’est ce pas là le véritable Chemin de la Liberté ?! Celui de la Contemplation de la Vacuité.
Amen, امين
السلام عليكم, Que la paix soit sur vous
Comments