: Le texte qui suit a été rédigé au fil de la pensée en mars 2021, ce n’est que ce jour que j’en ai compris le propos et que j’en vois l’utilité de la publication, aussi n’est-il pas contemporain de ma situation actuelle (notamment au regard de l’érémitisme). J’ai volontairement gardé la structure propre à l’écriture au fil de la pensée, cela pourra paraître décousu, mais il n’en est rien. Bonne lecture.
C’est sous couvert d’amour que l’on crée le chaos…
L’orgueil est difficile à déceler. Bien souvent mal compris, assimilé à de la prétention, de la vantardise, ou encore de la fierté, l’orgueil est un état autrement complexe. Il se dissimule de mille et une manières, mais dès qu’on l’a vu, on le voit partout ! Mon péché d’orgueil réside dans le fait que même si je dis, et me convaincs que je suis dans l’amour, que je suis désintéressée, au fond de moi une petite voix dit : « mais moi j’ai tant souffert que je mérite la reconnaissance », « j’ai traversé les ténèbres, j’ai réalisé mon œuvre au noir donc maintenant je détiens La Vérité, même si je dis aux gens que je ne parle que de ma vérité, toute subjective soit-elle, que peu importe s’ils sont d’accord avec moi ou non, qu’ils doivent faire preuve de tolérance, tout cela en m’en dispensant volontiers moi-même, l’air de rien ! » Je pense que je pèche par orgueil par peur de vulnérabilité, et de ce qu’on m’a enseigné à son propos. « Ne montre pas tes faiblesses, les gens en profiteront », etc. Là, maintenant, je reconnais que je ne peux pas parler de l’orgueil de manière théorique ou dans un style de philosophie non individuelle. On m’a souvent reproché de ne parler que de moi, or, c’est bien de la seule chose dont je puisse parler, puisque, pour reprendre un extrait de prêche que j’ai entendu une fois : « Parler des autres c’est au mieux du mensonge, au pire de la diffamation »... Cependant ne pouvoir parler que de soi n’implique pas nécessairement qu’on ne parlât sans cesse de soi ! Non, on peut également choisir l’écoute d’autrui ou encore, le silence. Je n’apprécie guère l’activité de commentateur, ou de critique, telles qu’elles sont codifiées dans la société conventionnelle. Et j’en veux pour preuve l’impossibilité (relative) de rédiger des commentaires sous mes articles de blog, mon rejet (récurrent) des réseaux sociaux et autres plateformes où le commentaire, l'évaluation, la notation sont encouragés, facilités, et donc bien souvent peu constructifs, à mon sens. Dès qu’on crée quelque chose, on se compare systématiquement. J’essaye de ne plus me comparer, car c’est la comparaison qui mène au juge-ment ! Les sentiments de supériorité ou d’infériorité naissent de la comparaison. Je me rends compte que j’ai été bien protégée de ce dont beaucoup ont dû se dépêtrer, notamment lors de l’exercice de leur orgueil face aux nombreux commentaires, la tolérance sous couvert d’amour accepte qu’on soit critiqué, mais pour ne pas se sentir blessé, on va dire, ou se dire, que toute personne en désaccord, ou exprimant quelque chose de blessant est simplement quelqu’un qui « vibre bas », qui n’est pas « éveillé », qui n’est pas conscient et donc pas dans l’Amour... Si je dis que j’en ai été protégée, c’est surtout parce que dans tout, je dis bien tout ce que j’ai entrepris, réalisé, et créé, jamais, je n’ai connu ni la reconnaissance massive manifeste, ni le succès au sens babylonien ! Sur le moment j’avais bien souvent envie d’abandonner, disant que si ça n’intéressait personne à l’extérieur, c’est que ça n’avait aucune valeur, sentiment amplifié lorsque le peu de commentaires d’anonymes était majoritairement négatif. Sauf que jamais je n’ai cessé ou abandonné, jamais je n’ai arrêté de faire quelque chose parce que je ne rencontrais pas l’approbation du public (qu’il fût matériel ou virtuel). Pour illustrer ce propos je tiens à citer la fin des paroles de la chanson interprétée par Charles Aznavour, Je m’voyais déjà :
« Si tout a raté pour moi, si je suis dans l'ombre Ce n'est pas ma faute mais celle du public qui n'a rien compris On ne m'a jamais accordé ma chance D'autres ont réussi avec peu de voix et beaucoup d'argent Moi j'étais trop pur ou trop en avance Mais un jour viendra où je leur montrerai que j'ai du talent » Ces paroles sont l’expression même de l’orgueil. Oui, l’orgueil invite l’esprit vengeur. C’est parce qu’on a été critiqué, jugé, humilié, qu’au fond de nous réside la peur que cela se reproduise, ainsi, le besoin fondamental de sécurité nous pousse à tout faire pour que cela n’ait pas lieu à nouveau et l’esprit vengeur, alimenté par l’orgueil quant à lui, nous pousse à prouver à celles et ceux qui ont été à l’initiative de ces remarques déplaisantes, qu’on est bien meilleur qu’eux, ou qu’on mérite désormais leur reconnaissance. Tout cela est vain, d’autant que, bien souvent les individus, qui ont été générateurs de blessures à notre encontre, sont passés à autre chose, nous ont oublié, ou ont oublié avoir dit la chose en question. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise croyance, il y a simplement des croyances. Chacun est libre de croire à ce qu’il veut, et tout autant de croire que ce en quoi il croit, est la vérité. Je ne détiens pas La Vérité, mais je détiens ce en quoi je crois, et que je peux ou non considérer comme Ma, Une ou La vérité, ainsi pour tout un chaque Un !
Concernant la vérité, je pense et crois qu’il existe une Vérité, unique, inconnaissable dans sa globalité, dans la matière et au-delà, je l’appelle l’Inconnaissable et c’est pour moi synonyme de ce que j’aime à nommer Dieu. Ainsi je considère que chaque expression ou manifestation sensible d’une chose qu’on décide de croire vraie, en est certainement un aspect, mais au travers du prisme du sensible, par essence subjectif, et donc individuel. Tant que chaque expression et affirmation individuelle est systématiquement contredite et jugée comme nécessairement fausse, car autrui reconnu (ou non) comme supérieur (du point de vue de la légitimité), ou parce qu’une majorité visible pense l’inverse, tant que cela persistera, que ce soit à l’extérieur ou à l’intérieur de soi (parce que je peux vous assurer, que même si je ne laisse plus de possibilité de recevoir le jugement de qui que ce soit sur ce que je fais, à l’intérieur de moi, cette voix se fait toujours entendre), la tension et les conflits non nécessaires viennent bousculer notre foi et donc notre paix fondamentale. La peur se nourrit de ces contradictions et la plus grande peur est le sentiment d’insécurité (sur n’importe quel plan) et quoi de plus déstabilisant que d’être convaincu de détenir la vérité contrairement aux autres, ou de ne pas la détenir au bénéfice d’autrui ? Le véritable problème au fond, ce n’est pas tant le désaccord, mais je m’intéresse bien plus à l’appel, au besoin que beaucoup (dont j’ai longtemps fait partie et dont je fais certainement toujours partie, même si je reste attentive) ont de devoir manifester, signaler leur désaccord, leur désapprobation, en justifiant implicitement ou non qu’ils sont supérieurs dans le sujet commenté. Pourquoi devoir donner son avis et faire ressentir à l’autre son infériorité ? Est ce que c’est de l’amour que de dire à l’autre, sous couvert de bienveillance (je ne parle pas ici du phénomène de « trolling » assumé) qu’il ou elle se trompe ou fait erreur ? Je vous renvoie à l’article sur « l’aide toxique » que j’ai publié plus tôt.
Je me demande toujours pourquoi le theatrum mundi ? Pourquoi se montre-t-on différent de ce que nous sommes réellement ? Depuis plusieurs années, depuis 2014 pour être précise, participer à la mascarade sociale et babylonienne, n’était plus envisageable pour moi, je n’arrivais plus à tenir les rôles et masques sociaux que je m’étais donnés ou qu’on m’avait donnés. J’ai donc décidé d’en prendre d’autres, à l’opposé strict des premiers, d’un point de vue de l’étude des personnages choisis, le diagnostic de bipolarité* était alors l’évidence même ! Or, je n’étais, et aucun individu n’est un personnage, ni même la somme de tous ses personnages, c’est pour cela, entre autre, que j’ai une aversion assez profonde pour le recours au terme de « personne » synonyme artificiel d’individu ou d’être vivant, mais dont la portée symbolique dessert le vivant et nourrit volontiers un projet destructeur et esclavagiste. Je pense que j’ai eu la chance d’assumer ma vulnérabilité, très tôt et de faire le choix de l’authenticité, tout en me mettant en garde contre mon faux self qui peut, à tout instant, me faire miroiter une fausse vérité. La conscience des choses mène à la responsabilité, mais n’affecte en rien la liberté qui est toujours là, consciemment ou non ! La vulnérabilité est composante de la conscience. C’est pour cela, et aussi suite à un constat manifeste que j’ai pu faire après la publication (et non la simple rédaction) de certains articles précédents, ce constat est celui de la vertu thérapeutique de l’écriture publique. Par écriture publique j’opère une distinction avec l’écriture privée. En effet, depuis que je sais écrire, l’écriture occupe beaucoup mes journées (et mes nuits), et même si il y a eu des moments où la production était plus faible qu’à d’autres, l’écriture, son mécanisme, elle est toujours là, comme une obsession...
Ce que je nomme écriture publique est la production littéraire, que l’on sait, dès sa genèse, qu’elle sera destinée à autrui. L’écriture privée, quant à elle, est de cette littérature dont l’on veut être l'unique lecteur.
Je ne suis pas éveillée mais en cours d’éveil. En veille ! Toute chose étant égale par ailleurs, si quelque chose me dérange, me gêne chez autrui et qu’inconsciemment j’en viens à juger cet autre, cela signifie certainement qu’à l’intérieur de moi cette même chose qui me dérange en face, est dérangée en moi-même. Les autres sont perçus à travers notre prisme comme un miroir de nous-mêmes et la solution n’est pas (et je précise que mon choix d’érémitisme n’est pas systématiquement motivé ni renouvelé uniquement pour m’éviter de faire face à ces miroirs) de se couper totalement d’autrui, car cela est impossible du fait que nous soyons tous les maillons d’une même chaîne, mais je pense présentement que la solution est plutôt dans l’accueil, l’acceptation que « oui, quelque chose me dérange chez cette autre individu, qu’est ce ? » Une fois cela identifié, faire le choix ou non de l’étudier à l’intérieur de soi et de le résoudre ou non. Cela mène à une forme d’humilité salvatrice pour l’écosystème, et plutôt que d’attendre la solution de l’extérieur, la faire advenir à l’intérieur est probablement la meilleure manière de réduire progressivement la part de dysfonctionnement (parfois appelé, et bien nommé « chaos ») sur Terre et à laisser une plus grande place à la conscience croissante. Cela n’empêchera en rien les desseins malveillants conscients, car la liberté reste toujours présente au-delà de la conscience ! Par conséquent, et c’est là que je me félicite d’avoir exprimé à plusieurs reprises la possibilité de me voir et de montrer mes propres contradictions, cela me rassure bien souvent et en ce moment, de me dire que je me suis trompée, que je me trompe potentiellement et que je me tromperai certainement, car, et là, ceux qui ont lu l’article sur l’aide toxique vont pouvoir critiquer sans gêne : « je sais que je ne sais rien » ! Et je me demande même si je ne subis pas la double ignorance que Platon dénonce à l’endroit de cette citation socratique, à savoir que je ne sais pas que je ne sais rien, sans même le savoir... l’humain est d’une telle complexité, et c’est ce qui me fascine. L’étude anthropologique que j’en fais notamment en me choisissant comme objet d’étude et non plus de recherche (j’arrête de chercher, parce que j’ai trouvé !) me prouve chaque jour que tout est en mouvement permanent et rien, à part peut-être ce qu’on ne peut connaître (l’Inconnaissable = Dieu), ne change jamais... et même, de cela, il est permis de douter, merci le scepticisme ! Le véritable piège est la certitude, de cela je me prémunie aisément (ou pas!) grâce au doute permanent et méthodique. Parce que douter c’est s’autoriser, douter c’est rendre tout possible, douter c’est la liberté ! Croire qu’on détient la vérité est la définition même de l’en-fer. On est enferré dans cette certitude et s’empêche de s’ouvrir à autre chose, qui, pourrait être la vérité, une autre vérité. Le risque de se découvrir partisan du mensonge a posteriori incite beaucoup à préférer s’en-fermer dans une conception délimitée et donc conditionnée de la vérité. Ainsi, toute chose n’étant pas valide par rapport à cette vérité, devient mensonge et nécessairement rejetée.
Est ce que finalement le paradis ne serait pas un état fixe, figé, mais plutôt un mouvement permanent de la croyance, mise à jour quotidiennement par l’expérience ? Est ce qu’on n’atteint pas la Vérité ultime et totale une fois qu’on a définitivement tout mis en lumière, si cela est possible, et qu’une fois que toute la matière a été pelée (le pelage récurrent est l’activité première du pèlerin), celle-ci n’a plus de densité, car la matière devenue pure devient insensible, ainsi sublimée, elle re-devient esprit pur. Ainsi le décalage que je ressens en permanence, qui m’invite à me réaligner à chaque instant, il est l’œuvre du commentaire, il n’existe pas à l’instant présent, tout comme la peur. Le paradis c’est l’ajustement, le mouvement de la matière qui se sublime par l’esprit. Ce n’est pas le bout du tunnel, le paradis, c’est cheminer dans le tunnel (EDIT Fevrier 2023 : dans le tunnel et/ou dans la lumière, au bout de celui-ci). La lumière au bout du tunnel, c’est l’absence de matière, c’est le retour au Tout ou au Rien, où les deux en même temps. Rien ne sert de chercher, il n’y a rien à trouver puisque que ce qui est se trouve déjà quelque part, est déjà là, nul besoin de s’épuiser à chercher. Cela peut paraître paradoxal mais tout est essentiellement paradoxal, le Noble paradoxe comme j’aime le qualifier est une véritable boussole, surtout pour moi qui me méfie beaucoup de la doxa. La vie pour certains cyniques est un jeu, pour moi elle est un Je ! Se planter permet de pousser, alors j’assume et reconnais, non pas mes échecs, car il n’y en a pas, mais plutôt mes erreurs. Je pensais qu’il fallait montrer et ne communiquer que le « positif » que mes « réussites » au sens de la société. Mais je suis pleine d’échecs pour monsieur et madame tout-le-monde, même beaucoup de mes proches me voient souvent avec pitié en me donnant force d’encouragements à chaque fois que je me lance dans un nouveau projet et que j’en parle... J’ai compris aussi, que "pour être heureux, vivons cachés" ! Si quelqu’un a raison, c’est forcément que quelqu’un a tort. Donc je fais vraiment le choix de refuser cette dualité, tous les avis ont le droit d’exister. Dans l’instant présent seule existe l’unité, le Tout. Est ce que finalement le nihilisme n'est pas la meilleure des sagesses, désormais ?
Que la Paix soit sur vous,
حبيبة
* Après de très longues années d'errance médicale, le diagnostic final de TSA (Troubles du spectre autistique) est tombé en février 2023 (diagnostic obtenu en Centre Ressources Autisme), comme pour beaucoup de femmes dans ma situation, l'autisme était très présent depuis la naissance et difficile à déceler, à cause de mécanismes de masquage. À ce stade la cyclothimie / bipolarité n'a pas encore été exclue du diagnostic, mais s'ajoute à ce dernier.
Merci Habiba pour ces textes toujours éclairants, très sages et si bien écrits !